Lin et design, de nouvelles applications s’imposent

18 janvier 2024

  • Lin
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L’Alliance du Lin et du Chanvre européens s’engage auprès d’une jeune génération de designers et soutient les projets les plus créatifs, revisitant les usages du lin et imaginant de nouvelles applications pour cette fibre végétale qui s’impose peu à peu dans l’univers du design et de la décoration.

Tapis lin Secrets of linen

Révéler et accompagner les talents de demain

« La versatilité du lin, fibre végétale, et sa capacité à allier de nouvelles possibilités esthétiques à des pratiques plus responsables permet aujourd’hui d’ouvrir le champ des possibles en termes de créativité », comme le défend l’Alliance du Lin et du Chanvre Européen qui accompagne les talents de demain et soutient, année après année, une jeune génération de créatifs en quête de durabilité.

À l’image du duo Céline Thibault et Géraud Pellottiero, révélés lors de la Design Parade Toulon en 2019 avec leur installation « Zoù Maë ! », véritable ode au bain mêlant traditions nippones et cultures méditerranéennes. Connus pour leur pratique à la croisée du design et de l’architecture, de l’artisanat et des arts plastiques, du textile et des arts vivants, l’Alliance du Lin et du Chanvre européens leur a naturellement donné carte blanche pour imaginer une scénographie immersive autour du lin à l’occasion du pop up Love Linen organisé à la Samaritaine au printemps 2023.

Pour la diplômée de l’ENSCI-Les Ateliers (2013), spécialisée en design textile, et l’architecte d’intérieur formé à l’École Boulle (2011), ce projet à la temporalité très courte était l’occasion de découvrir, de prototyper et d’apprendre. « Les différents éléments de la scénographie sont venus concrétiser une envie de travailler le lin sous toutes ces formes : c’est une matière à la fois brute et douce. Agréable à tisser, elle appelle à être dompter !», admet Céline Thibault qui prépare à la suite les Rendez-Vous de la Matière en octobre dernier où elle souhaite uniquement présenter des matières créées à partir de lin. « Je suis attirée par la fibre de lin car je sais à quoi elle ressemble, je connais les agriculteurs et entreprises qui la transforment, aime la transparence autour du teillage et de la filature. Le lin a ses défauts, il se chiffonne mais j’aime travailler cette matière vivante en mêlant techniques maîtrisées et surprises spontanées ! », ajoute la jeune designer textile, fière d’être petite-fille d’agriculteurs sarthois et mayennais.

Transcender les usages

Si les deux designers se considèrent à l’aube d’une grande histoire avec le lin, leur travail sur le lin plissé donne déjà l’impression d’être abouti. « On cherchait un lin qui se tienne bien, donne de la main. Choisir du lin traité M1 (ignifugé), nous a permis d’imaginer des revêtements muraux pour l’architecture et la décoration d’intérieur. Une fois fixé au mur, il a une tenue parfaite ! », commente le duo. Faisant un lien avec l’univers de la mode, le lin est teint avant d’être sérigraphié puis plissé : loin de l’idée que l’on peut se faire d’un vêtement en lin souple, on le découvre rigidifié, animé d’un motif aux couleurs vives et d’un film argenté. « Pour ce pop-up, je cherchais un effet pop qui casse l’image sage du lin ! », s’exclame Céline Thibault.

Multipliant les approches et collaborations avec des artisans proches de leur territoire, le duo fait ici un grand écart entre le lin brut, fibre humble à l’empreinte écologique faible, et un travail autour du lin extraverti, quasi-méconnaissable. « Comme je ne connaissais ni la façon de le cultiver, ni aucune étape de son élaboration, j’ai posé un regard totalement neuf sur cette matière : j’ai été émerveillé par des bobines de lin peigné, dont les reflets et la brillance font penser à une chevelure interminable. », ajoute Géraud Pellottiero. « Au final, on a choisi de garder la fibre brute dans la scénographie pour surprendre le visiteur, lancer la conversation autour de la fibre et d’un savoir-faire agricole riche ». Fort de cette immersion, l’architecte d’intérieur a découvert d’autres propriétés techniques du lin comme les panneaux en fibre de lin tissée avec de la résine éco-sourcée mis au point par l’entreprise suisse Bcomp. « Ces panneaux révèlent la qualité textile et la transparence des strates de lin : ils diffusent une lumière douce que je relie aux cloisons coulissantes japonaises en papier. Le lin appelle naturellement de nouvelles esthétiques et imaginaires pour l’architecture d’intérieur », ajoute le jeune homme.

Nouvelles rencontres et expressions

En soutenant une jeune génération de talents et entrepreneurs de la filière lin, l’Alliance du Lin et du Chanvre européens fait le pari que ces nouvelles rencontres sont l’occasion de repousser les limites de la création. « Œuvrer à diversifier les usages de la fibre de lin est un élan quotidien », explique Laura Vanneste, 4e génération d’entrepreneurs belges spécialisés dans le commerce de la fibre de lin et la création de produits textiles en lin. Depuis un an, la jeune femme se consacre entièrement à la marque Secrets of Linen : fondée par son père en 2006, elle confectionne des tapis sur mesure en lin. « Même si le lin est difficile à travailler au tufft car c’est une fibre forte, elle est extrêmement durable et vieillit noblement », ajoute la jeune entrepreneuse qui a profité d’une rencontre avec les designers Céline Thibault et Géraud Pellottiero pour redonner vie à un stock de fils unique filés par son grand-père dans l’ancienne manufacture familiale de Stasegem.

Séduits par cette fibre poilue, disponible dans une tonalité violine et verte, les designers ont rapidement revisité et adapté les techniques de tissage : « Notre rencontre avec Secrets of Linen nous a plongé dans une histoire familiale : le lin est devenu un objet de conversation. En une journée, on a saisi l’envie de Laura d’insuffler une volonté créative plus marquée, de lui redonner de la couleur et un élan neuf. C’est sa volonté d’innovation et de renouvellement qui nous a poussé à affirmer notre style visuel, à proposer un motif graphique et des formes structurées qui révèlent le fil et ses nombreuses variations de teintes au sein d’une même couleur », explique Céline Thibault. Le trio se souvient vouloir sortir le lin de ses carcans, et éviter à, tout prix une palette atonale de blanc, gris, beige. « En choisissant ce que j’appelle du ‘mohair végétal’ - à savoir une qualité de fil qui laisse des poils – on faisait un pied de nez à la laine et changeait la perception du lin. De nombreux essais étaient nécessaires pour parvenir à serrer le fil suffisamment pour les poils soient maintenus ! », se souvient la designer.

Le résultat est au rendez-vous. Dans le pop-up de la Samaritaine installé au printemps dernier, on découvrait un tapis damier dans un camaïeu de vert et un tapis écossais dans un camaïeu de violet ; légèrement velus, ils donnaient l’impression d’avoir été tissés à partir de plusieurs couleurs. « Quelle joie de pouvoir donner une âme à une fin de stock, de la revaloriser tout en faisant le lien entre le passé et aujourd’hui. Céline et Géraud ont une vision de la matière et un œil pour sélectionner les couleurs qui permettent de casser les codes, d’imaginer des designs moins commerciaux. Et de redonner de la sophistication au lin qui en manque parfois. Grâce à une composition architecturée, un jeu de couleurs et reflets, ce projet est jeune, chic, décalé, créatif ! », s’enthousiasme Laura Vanneste, séduite par une collaboration enrichissante et pleine d’audace.

Composer avec le lin et le composite de lin

Au fil des ans, l’Alliance du Lin et du Chanvre européens a tissé des liens forts avec des designers (re)connus qui revisitent et détournent les usages du lin, imaginent de nouvelles applications ou débouchés pour la fibre végétale. Parmi eux, on trouve les designers Noé Duchaufour-Lawrance, président du jury Design de la Villa Noailles cette année, et le designer et professeur à l’ENSCI François Azambourg dont certaines pièces ont récemment été exposées au MAD (Musée des Arts Décoratifs), à Paris.

« D’un point de vue créatif, le lin une matière extraordinaire qui permet de nombreuses applications, souvent inattendus », concède Noé Duchaufour-Lawrance, créateur de la table basse Duale pour l’éditeur Saint-Luc (2011). Constituée d'un plateau circulaire en fibres de lin additionnée de résine végétale et d’un piétement en chêne massif, elle joue sur la dualité implicite contenue dans la fibre de lin : « J’ai voulu mettre en scène la charge émotionnelle de ce matériau : une fibre aux couleurs et aux irrégularités naturelles, chaleureuses, mais qui se réfère également - par sa mise en forme - à d’autres matériaux composites comme le carbone, d’aspect plus technologique », explique le designer engagé envers toujours plus de durabilité dans le design.

Noé Duchaufour-Lawrance, créateur de la table basse Duale pour l’éditeur Saint-Luc (2011)

Le lin ouvre en effet de nouvelles voies pour les matériaux composites, une alternative durable à la fibre de verre ou la fibre de carbone qui n’inclut pas ou peu de dérivés de la pétrochimie : « Le lin a une résistance mécanique plus intéressante que celle de la fibre verre et reste plus léger. Et s’il peine encore à s’imposer dans certains domaines, le lin est une fibre d’avenir extrêmement noble, facile et agréable à travailler contrairement à d’autres. Totalement naturelle, elle demande peu d’intrants dans sa production comme dans sa culture », ajoute le designer et professeur à l’ENSCI François Azambourg. Dès 2007, il collaborait avec l’équipementier automobile DCS – Design Composite Solution – pour diversifier son offre et imaginer une chaise d’un nouveau genre : plutôt que de choisir le carbone, il met au point Lin 94 (à 94% d’origine végétale), une matière qui permet de mouler des chaises comme on imagine une portière de voiture : « l’idée était d’apposer un tissu sur un moule et de faire migrer, à très haute pression, une résine dans le tissu. La régularité mécanique du tissu était la clé du projet : avec ses fibres longues et droites, le lin était le candidat idéal en termes de performance mécanique », se souvient le designer dont les explorations d’alors restent, aujourd’hui, à la pointe de l’innovation. La chaise sera produite en quelques mois ; elle est aujourd’hui exposée au MAD à Paris dans de l’exposition « Légèretés Manifestes » qui lui est consacrée.

Esthétiques nouvelles

Autre lieu, autre exposition. Partenaire officiel de la Villa Noailles depuis 2017, l’Alliance du Lin et du Chanvre européen apporte également, cette année, son soutien aux finalistes de la Design Parade 2023. Elle s’engage en amont pour faciliter l’accès aux innovations textiles et techniques propres au lin européen, accompagner au plus près les finalistes dans leur sourcing-lin et leur fournir du lin pour le développement du projet créatif présenté. Pour son projet de scénographie à la Villa Noailles, Noé Duchaufour-Lawrance a choisi d’habiller les murs de rideaux de lin, de mettre en avant le caractère brut et vivant du tissu. « La fibre de lin est non seulement une matière à faible impact mais une fibre versatile, riche de textures et couleurs : quand on la garde brut, elle s’anime de vibrations naturelles. J’aime les matériaux qui parlent par et vivent par eux-mêmes », ajoute le designer. Quoi de mieux pour habiller un espace que de marier du lin brut qui dialogue avec du liège noirci par une cuisson à l’étuve et un dallage de céramiques de Salernes cuites au feu de bois ?

Toujours dans la prospective, François Azambourg planche actuellement sur un prototype de chaise en lin cousue, en collaboration avec L’Alliance du Lin et du Chanvre européens: imaginée comme un gant capitonné, une épaisse toile de lin est trempée dans l’exacte quantité de résine avant d’être gonflée à l’air. La chaise, totalement creuse, se met en place quand la résine polymérise le tissu pour le rendre rigide. « Cette technique sous-entend que l’on peut fabriquer la structure en lin ailleurs, facilement déplacer la structure (à plat) avant de la gonfler sur site (ou proche du site). Aujourd’hui, je cherche à alléger les structures du design, à économiser des moyens. Avant, le design se concentrait sur la forme et le concept : les enjeux liés à l’écologie déplacent le débat, se concentrent sur la matière et ouvrent une nouvelle page de l’esthétique
des objets », conclut le designer.

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